Tag Archives: exposition

Du rouge, du noir et des saucisses : Pictoplasma (Jour 2)

30 Jan

Vendredi 09 décembre dernier, Motomichi Nakamura et Amandine Urruty sont venus présenter leurs processus de création et leur portfolio à une vingtaine de personnes rassemblées dans la grande salle de la Gaité Lyrique. L’intérêt de rencontrer Nakamura (mots clés : yéti + japonais) était assez évident, en revanche je n’avais jamais entendu parler d’Amandine Urruty (mots clés : saucisse + tatouages moches + petit chien mignon) avant de lire son nom dans l’article qu’étapes a consacré à Pictoplasma. En un mot : conquise.

Les monstres rouges et noirs de Nakamura pour Pictoplasma

L'agenda novembre/décembre 2011 de la Gaîté Lyrique se déplie en un poster de monstres pictoplasmiques made in Nakamura

Nakamura est l’auteur des affiches du festival, les monstres rouges et noirs. Rouges et noirs exclusivement. Pour traduire un rapport essentiel, selon lui : the simpler, the better/stronger. S’il a utilisé du jaune et des nuances de gris à une époque, aujourd’hui il n’utilise plus que du rouge, du noir et du blanc, des couleurs qui parlent d’elles-mêmes (Captain Obvious : quelles sont les couleurs de Coca-Cola ? Quelles sont les couleurs du Japon ?). Le rouge attire toujours l’œil et chez Nakamura, il semble vous rentrer dans l’œil, et d’ailleurs les yeux des monstres sont rouges.

Motomichi Nakamura en conférence à Pictoplasma Paris à la Gaîté Lyrique

Nakamura @Gaîté Lyrique © Pictoplasma

Ces monstres sont une version condensée de toutes nos peurs, une interprétation que l’on retrouve chez les Indiens d’Amérique (Nakamura vit en Équateur). En combinant tous ces éléments – monstres, couleurs, mais aussi flashs lumineux qui génèrent une réaction, voire une gêne physique (flashs utilisés lors de performances VJ ou mapping) – Nakamura veut faire passer le message de manière univoque : préparez-vous à affronter quelque chose. Ses monstres s’inscrivent d’autant plus dans ce rapport de confrontation qu’ils montrent très souvent les dents. « Montrer les dents, c’est envoyer un message de peur ou d’agression ». De toutes façons depuis Jeanne Mas on le sait tous : le rouge, le noir, les peurs, les montagnes de douleurs.

Lors de la conférence, j’ai trouvé le courage de lui poser une question (la fille pédante qui a essayé de se la péter en plaçant un petit « Konbanwa » et qui a expliqué à Peter Thaler ce que ça signifiait, c’était moi!) concernant l’attitude de ses monstres qui montrent les dents : sont-ils là pour nous attaquer ou ont-ils peur de nous ? L’essentiel est que la peur soit de tous les côtés.

C’était cool que Nakamura nous explique toutes ses référence, bien cool elles aussi : Takeshi Kitano, les tatouages de prisons russes, Snoop Dog, Otto von Schirach (en VJ pour ses shows).

« Pourquoi je porte un masque ? Et bien parce que je suis le sidekick d’Otto : s’il est Batman, alors je suis Robin. »

En parallèle du graphisme et des performances vidéos, Nakamura a aussi lancé son tatoo project, envisagé comme un lien d’engagement entre un « collectionneur » ou tout du moins un passionné, et l’artiste qui prend forme d’un tatouage unique… Avec tout ce que le tatouage implique de sens : rituel, peine, force…

Quittons cet univers graphique tranchant pour entrer dans le monde des bisounours en overdose de choucroute : le monde d’Amandine Urruty.

Illustration d'Amandine Urruty parue dans Teddy Beat de Morgan Navarro

Saucisse love forever © Amandine Urruty

Sorti de son contexte, ça donne :

« Pourquoi mettre des pompons quand on peut mettre des poulpes ? »

« Ça reste marrant une saucisse. C’est plutôt sympathique. Alors du coup, je me suis dit que j’allais en mettre partout. »

« Je me suis dit qu’il n’y avait pas de honte à dessiner des Mickeys. »

Comme le dit l’intéressée : « C’est parti de dinosaures qui s’accouplent, au départ. » Et après ça donne du bodypainting d’animaux qui s’aiment sur Philippe Katerine.

Bodypainting de Katerine par Amandine Urruty

Philippe Katerine - Star Academy - November 2006 © Amandine Urruty

Ses dessins (au feutre et au crayon de couleur) sont d’une simplicité thématique extrême (ils résultent de la combinaison de thèmes récurrents, tels que l’amour, les saucisses et les arcs-en-ciel), mais les œuvres produites sont au final complexes, fourmillantes de détails sordides et comiques, avec une grosse tendance à la répétition.

équation saucisse + tatouage moche + petit chien

= cool

Ayant pratiqué le dessin académique pendant sa formation universitaire, elle a été marqué par le travail de copie et de reproduction. Quand on s’attarde sur le décor de ses dessins, on s’aperçoit qu’ils sont en fait des scènes pullulantes de détails tous plus troublants les uns que les autres, et le tableau en entier se met alors au service du détail.

Les 3 grandes étapes du travail

Un dessin en 3 étapes © Amandin Urruty

Détail d'un dessin

Détail © Amandine Urruty

Les animaux tiennent bien entendu une place prépondérante : ils sont anthropomorphiques, portent des masques, il leur manque des membres (le nez, les mains), ou bien alors ils en ont en trop, s’affichent dans des postures à la fois sexy et potaches (elle cite Edika parmi ses premières influences, et ça saute aux yeux). Les héros des dessins d’Amandine sont tous des monstres doux-dingues. Elle explique d’ailleurs que les monstres composites la fascinent (ceux de Jérôme Bosch par exemple) et sont pour elle un sujet inépuisable.

Parmi les trucs que je trouve les plus cool, j’aime tout particulièrement les visuels pour Le Nouveau Casino datant d’avril 2008 réalisé avec le collectif Studiobüro.

Amandine Urruty et Studioburo pour le Nouveau Casino 2008

Amandine Urruty et Studiobüro pour le Nouveau Casino 2008 © Amandine Urruty

Complètement inscrits dans la démarche Pictoplasma, les travaux de Nakamura et d’Amandine ont été sollicité pour réaliser des cartes du jeu de tarot Pictoplasma, aux côtés de celui d’autres artistes, plus ou moins tous représentés lors de cette édition 2011 du festival.

Le jeu de tarot de Pictoplasma

Quelques cartes tirées du jeu de tarot Pictoplasma

Ajoutons que vous pouvez voir des œuvres d’Amandine jusqu’au mois de mars 2012 à l’expo HEY ! MODERN ART & POP CULTURE.

Affiche de l'expo Hey! à la Halle Saint Pierre

Affiche de l'expo Hey! à la Halle Saint Pierre

Pour terminer cette journée, une quinzaine de courts métrages d’animation ont été projetés dans la grande salle : on n’était plus que 2 pèlerins dans le noir.

J’ai réuni les vidéos dans une playlist Youtube.

The External World de David O’Reilly (c’est la plus longue de toutes, 17 minutes) m’a beaucoup impressionnée et m’a laissé un sentiment d’incompréhension et de satisfaction, une espèce de plaisir à ne rien comprendre (j’ai enfin vu Rubber hier, c’est peut-être pour ça que je comprends seulement aujourd’hui tout le sens du no reason).

Image iddue de la vidéo The External World

Quelques uns des nombreux personnages de The External World

Voila, comme ça vous savez tout sur cette journée du festival Pictoplasma. Le festival poursuit sa route en 2012, notamment du 11 au 15 avril à Berlin.

Pique et pique et Pictoplasma (Jour 1)

4 Jan

Petit retour sur le festival Pictoplasma Paris: Post Digital Monsters qui s’est éteint en même temps que 2011,  le 31 décembre (bonne année au fait).

pictoplasma_nakamura

© Motomichi Nakamura

Rapidos (parce que c’est tellement intéressant que vous allez vite faire vos propres recherches), le projet Pictoplasma, c’est :

  • Quoi? Depuis 10 ans, une entreprise, c’est une maison d’édition qui développe, diffuse, publie, et archive tout ce qui touche au character design, la création graphique de personnages.
  • Qui? Lars Denicke (ancien étudiant en théorie des médias et études culturelles à l’université de Humboldt) et Peter Thaler (diplômé d’une école de cinéma et d’animation), basés à Berlin, qui ne plaisantent pas avec la création de personnages.
  • Intéressant? On peut dire que ce qui en est à l’initiative c’est la réflexion autour de la création de la « créature imagée », et qu’un réseau international en est issu (des graphistes, des illustrateurs, des designers, des concepteurs, mais aussi des danseurs, des musiciens, des performeurs, etc.) de par sa volonté de regrouper toutes les données en vue de publications, et a donné naissance, en 2004, à cette manifestation artistique. Donc oui.

Pour ceux d’entre vous qui peuvent mettre la main sur le magazine étapes, vous pourrez retrouver dans l’édition 198 (nov. 2011) un article dédié à Pictoplasma, article qui fut distribué dans son intégralité aux visiteurs.

Coup de bol : j’ai gagné 2 places, c’est donc avec ma fidèle acolyte Claire que j’ai profité de l’expo, gratos.

Il faut savoir que le thème de l’édition 2011 s’articulait autour de la figure du yéti, le chaînon manquant (« The Missing Link », tel est également le nom d’une des installations/performances) entre la créature-monstre et l’homme. C’est ce qui m’a particulièrement attiré dans cette édition.

La journée du jeudi 08/12 a été entièrement consacrée à la visite de l’expo. La veille, premier jour du festival, le show « The Missing Link » a ravi l’audience. Pour info, lors du show à Berlin, c’est la musique de Dan Deacon qui a servie de bande-son à la performance poilue. Classe.

Les temps forts de l’expo

Digital Monsters (une galerie internationale de portraits de monstres digitaux) et Post Digital Monsters (des créatures plus inscrites dans la tridimension). J’y ai retrouvé la bébête poilue de Roman Klonek que j’affectue particulièrement (la bébête, pas M. Klonek, que je ne connais pas).

pictoplasma_friendswithyou_digital_monsters

Mon petit chouchou, par le collectif Friendswithyou

The Missing Link (installation collaborative entre Pictoplasma, le collectif de costumiers berlinois Werkstattkollektiv, les artistes performeurs et danseurs Jared Gradinger & Friends et l’artiste japonais Motomichi Nakamura (à qui on doit les affiches de l’expo, ces monstres rouges et noirs).

(Haaaaa, j’arrive pas à intégrer cette vidéo comme je veux, j’arrive pas à insérer un retour charriot après la vidéo. J’enrage! Si quelqu’un a un tuyau, faites-moi signe).

the_missing_link_nakamura_pictoplasma

Les yétis de l’installation The Missing Link

Le projet de recherche du Chaînon Manquant : un mur regroupant des centaines de croquis de yéti, venus des 4 coins du monde. Une œuvre participative puisque les visiteurs sont invités à y laisser leur version du yéti.

pictoplasma_missing_link_yeti

Un bout de mur de Yéti

On n’a pas pu s’empêcher de passer outre cette occasion de gâcher une si belle œuvre avec un gribouilli signé Claire&Emilie.

pictoplasma_yeti_gaite_lyrique

Je vous le montre pas en entier, mais c’ést un véritable chef d’oeuvre

On n’a pas croisé le yéti d’Élodie Duhameau ce jour-là, mais l’illustratrice nous a révélé ses progénitures récemment via son blog :

pictoplasma_yeti_elodie_duhameau

Allez faire un tour sur son blog

On est allée faire un petit tour du côté du centre des ressources, où les visiteurs peuvent visionner des extraits de dvd édités par Pictoplasma, dont un qui nous a particulièrement plu :


Voila pour ce premier jour d’expo. L’expo Pictoplasma se continue hors les murs avec la Character Walk : tous les lieux de Paris proposant des événements rattachés au festival sont regroupés en une ballade, pour laquelle une carte a été spécialement dessinée. Cette carte se transforme en poster reprenant une des créatures de Nakamura. Je m’en suis notamment voulu très fort d’avoir loupé l’exposition de Struwwelpeter revisité par Atak au Goethe Institut.

Le samedi 10/12, j’ai participé aux conférences de Motomichi Nakamura et Amandine Urruty (qui m’a ravie, je dois bien le dire) ainsi qu’à la projection des vidéos Pictoplasma : Best Of Characters In Motion 1. Je vous en reparle très bientôt.

Pictoplasma
Pictoplasma Paris Photos
Gaité Lyrique
Character Walk

Embarquement immédiat pour Tokyo Graphic Passport

2 Oct

Depuis le 23 septembre et ce jusqu’au lundi 03 octobre (demain, donc bon…) se déroule au forum du Centre Pompidou un événement que je ne pouvais absolument pas rater : Tokyo Graphic Passport.

Depuis 2009, le collectif +81 concocte ce rendez-vous entre la scène du graphisme japonais et le reste du monde. TGP (Tokyo Graphic Passport) entend  accroître l’échange interculturel en présentant tout d’abord le travail des graphistes japonais reconnus, et ceux qui gagnent à être connus, mais surtout en proposant des conférences tenues par ses graphistes japonais et des graphistes étrangers. Cette année, TGP démarre à Paris et se prolonge jusqu’à la fin du mois d’octobre, au centre artistique 3331 Arts Chiyoda de Tokyo, son QG.

Si le graphisme japonais veut dialoguer avec moi, je suis toute ouïe. TGP est l’occasion de former son œil, d’étendre ses connaissances en culture graphique et de sortir les 3 mots et demi de japonais que je connais. C’est donc parti mon kiki.

On ne vient pas à TGP  juste pour regarder (d’où la quasi absence d’objets exposés), puisque l’événement se veut un dialogue. Il est donc plus intéressant d’y aller quand il se passe quelque chose, une conférence, un atelier ou les présentations de portfolio des graphistes. En dehors de ces moment-là, il y a peu de choses qui valent le détour à elles-seules. Notons quand même 2 installations remarquables.

L’une d’entre elle est une installation typographique de Semitransparent Design fourbement intitulée no flash photography allowed.

TGP installations

L’installation utilise des cameras conçues pour l’observation astronomique qui fonctionnent avec des temps d’exposition longs afin de révéler ce qui est écrit sur des écrans vidéos. Pour interagir avec l’installation, il faut envoyer son message perso à l’adresse mail ou sur le site de Semitransparent Design et prendre une photo de l’écran sans flash pour récupérer son œuvre typographique. Vous n’avez rien compris? Une vidéo vous explique tout.


Dropclock, de Yugo Nakamura, est un fait un économiseur d’écran avec lequel on ne voit que le temps couler.


Graphiquement parlant, c’est jamais que de l’Helvetica en super slow motion trempé dans de l’eau.

Une autre chose que vous pourrez voir à TGP, ce sont les 15 posters réalisés pour l’occasion.

En plus de les voir, si vous faites une petite donation (environ 2€) à la Croix Rouge qui a installé une cagnotte en soutien au Japon, vous repartirez avec votre affiche préférée. Si comme moi vous avez un petit cœur tout tendre, vous trouverez que c’est une jolie occasion. Du coup, je suis repartie avec le poster de Kazunari Hattori (le gâteau), mais aussi de Hideki Inaba (Helvetica Burst) et de Issay Kitagawa (Kanpai Circuit) (parce que je suis passée le matin ET l’après-midi) (Non, je me justifie pas).

Vu que j’avais déjà loupé les 2 conférences et les 2 ateliers, il ne me restait plus que les présentations de portfolio des graphistes. C’est à ce moment là que, tel un ninja embusqué,  j’ai pu sortir mes 2 phrases de japonais pour les nuls.


Ibuki Tsuchiya présente son portfolio. A sa gauche, Desegno ltd. présentait sa typo invisible.

CAUTION ECOLO. Les porte-feuilles et autres porte-monnaies de Fuyuki Shimazu alias Snowisland9 pour son projet Carton ont fait un tabac. Si vous lui avez acheté un article, et qu’il s’est détérioré, Fuyuki s’occupe lui même de le réparer, et il explique tout le plaisir qu’il met à la tâche dans Carton Magazine.

CAUTION TYPO. J’ai beaucoup aimé discuté avec Masaya Eiraku, un graphiste qui a insufflé la vie à une typeface combinant hiragana (j’en a déjà parlé) et alphabet latin. Je lui ai piqué un portfolio et j’en ai pris un pour mes petits camarades élèves de japonais à l’AAA et pour montrer à ma petite prof chérie (j’aime bien faire ma fayote de temps en temps). Chaque dessin de caractère hiragana est tracé à l’aide des lettres latines qui transcrivent sa prononciation. L’hiragana ぶ (bu) est dessiné grâce à une série de « bu ». Ingénieux, n’est-ce pas?

CAUTION NIHONGO. (c’est japonais en japonais) J’ai pu discuté avec Miki Nitadori, une photographe installée en France depuis 18 ans. Elle parle donc remarquablement bien français, elle a même tenu un de ses blogs en français. Un jour, je parlerai japonais comme Miki parle français. Elle y présentait des photographies issues notamment de son projet Interface, qui s’interroge sur les origines et les générations et se traduit par des images superposées.

Le listing de tous les graphistes présents se trouve sur le site de TGP.

Petit bonus

J’ai déjà dit que c’est gratuit?