J’ai trouvé chez Emmaüs, dans un état calamiteux, une machine à écrire Olivetti Lettera 22 bleue et je l’ai achetée. I HAVE NO IDEA WHAT I’M DOING.
Je me suis agenouillée pour ouvrir la mallette en piteux état. Juste par curiosité j’ai demandé le prix de l’objet. J’ai pas tout de suite compris le type d’Emmaüs : «pfff… ça ? (truc incompréhensible)inq euros». Une dame derrière moi dans la queue a poussé un «oooooooh ! Une Olivetti !» (elle avait des petites paillettes dans les yeux). Ça m’a fait tiqué. «Combien vous m’avez dit ?». Cinq euros. CINQ BALLES ? Adjugé vendu à la petite dame qui ne sait pas du tout ce qu’elle va en faire mais est quand même bien contente de la trouvaille (c’est moi la petite dame).
(Pour info : un modèle fonctionnel en bon état avec tous les accessoires peut se trouver à 200€ sur eBay.)
Évidemment, à peine rentrée, j’ai tout voulu savoir sur cette machine improbable. J’en suis restée baba : j’avais entre les mains une des stars des machines à écrire.
Le nom Olivetti est associé à quelques uns des modèles de machines à écrire les plus célèbres dans le monde. L’Olivetti Lettera 22 est un modèle phare de machine à écrire portative des années 50. Conçue par Marcello Nizzoli (1887-1969) en 1950 pour la firme italienne, elle est l’un des plus grands succès de son fabricant. L’année précédente, Olivetti a sorti la machine à calculer Summa 15, également designée par Nizzoli, en collaboration avec l’ingénieur Giuseppe Beccio, avec qui Nizzoli a également travaillé en tandem sur plusieurs produits Olivetti (néanmoins un autre nom fait son apparition pour la Summa 15, celui de Natale Capellaro). On retrouve le binôme Nizzoli/Beccio aux manettes de la conception d’autres modèles de machines à écrire célèbres d’Olivetti durant les années 50 : la Lexikon 80, la Studio 44. Nizzoli a également joué un rôle dans l’architecture des bâtiments Olivetti (siège historique et Palazzo Uffici 1 à Ivrée, ville d’implantation de la société).
La Lettera 22 pèse environ 4 kg pour des dimensions de 8,3 x 29,8 x 32,4 cm. Elle propose la police de caractère Elite. Elle est disponible (principalement) en bleu et en olive. Le modèle est si emblématique que le MoMa de New York en possède une dans sa collection permanente.
Toute guillerette de cette bonne trouvaille, je n’avais qu’une hâte : la tester ! Marche-t-elle, marche-t-elle pas : comment le savoir ? Quand on a jamais posé les doigts sur les touches d’un clavier de machine à écrire, par où commencer ? C’est quoi ce truc ? Et il manquerait pas un bidule là..? Après un détour indispensable sur YouTube afin d’appréhender les bases, je me suis rendu compte qu’il allait falloir dompter la bête. Dès les premières secondes de prises en main maladroite, j’ai eu du mal à contrôler ma joie à la limite de l’étranglement lorsqu’a retentit le petit ding de la clochette annonçant les marges ! J’ÉTAIS CONQUISE. Je commençais à peine à entrevoir la suite des étapes du nettoyage et de réparation, quand je fis LA découverte qui me permit de franchir un pas de plus dans l’appropriation de l’engin : le manuel d’époque en anglais, objet d’art à lui seul, mis à disposition par un certaine edcornish (à qui j’écrirai sûrement bientôt un poème de remerciements) sur son compte flickr. En plus de schémas d’une rare beauté, ce dernier comporte des exercices d’utilisation de la machine.
Les fonctionnalités top-moumoute de ce modèle sont la possibilité de passer d’une encre noire à une encre rouge (le ruban est divisé en 2 couleurs horizontalement sur toute sa longueur et lorsqu’on appuie sur la touche prévue à cet effet, il est surélevé afin que les lettres viennent taper dans la zone de couleur rouge) et la possibilité de créer ses propres tabulations (et donc de faire de chouettes tableaux). Avouez que niveau dactylographie, c’est la classe.
Après une soirée à parcourir le guide d’utilisation sous la tutelle et le regard étonné d’une experte ayant un jour eu sous ses doigts les touches du clavier d’une machine à écrire (j’ai nommé ma mère), à replacer le ruban, à faire les quelques exercices présents dans le manuel, j’entame fièrement l’étape suivante : le nettoyage et la réparation. Vu l’état dans lequel je l’ai trouvée, il aurait été miraculeux qu’elle n’ait subi aucune casse. Le levier de l’interligne a disparu, empêchant le saut de ligne au retour du charriot. Le saut se fait donc manuellement pour l’instant.
Anecdote Time Capsule : Dans la mallette (en ruine) j’ai retrouvé des brouillons en papier carbone de courriers administratifs adressés par un particulier français (parisien exactement, résidant rue de la procession dans le XVème arrondissement) tapés le… 16 septembre 1984. Un des papiers carbone a également servi à la saisie d’un courrier adressé au n° 1 de la rue Bischofstrasse à Cologne (le reste en illisible).
Je compte bien me lancer dans la réparation et l’entretien, et si tu connais, ami lecteur, des personnes touchant leur bille en réparation de machines à écrire, manifestes-toi !
* Bon, pour le titre, j’ai pas trouvé d’hommage à la Lettera 22, alors je me suis rabattue sur ce qu’il y a de mieux en la matière.
1. Le manuel est sublime
2. Je suis dévastée de ne pas réussir à déchiffrer les caractères flous avant le « cordial bisou ». Vazy, c’est quoi ? Moi aussi je peux avoir une lettre dactylographiée de ta main ?
Promis, je t’écrirai une lettre de rançon dactylographiée pour ton anniversaire.
J’ai une Olivetti lettera 22 bleue, une en parfait état. Le ruban est juste désséché. Je pensais qu’elle n’avait aucune valeur. En effet 5 € chez Emmaüs, c’est juste le prix que je pourrais la vendre, étant donné qu’on ne trouve plus de rubans, on ne peut plus l’utiliser, à part dans un souci de revival vintage, taper des trucs illisibles faute. Je m’étonne que des escrocs vendent une petite machine à écrire 200 € ! J’ai tapé dessus depuis l’âge de 16 ans, puis à partir de 17 ans tous mes « mémoires » et « devoirs « de DUT étant à rendre dactylographiés, en 1984 (ce qui semble être pour vous plus loin que la guerre 14-18 ou le sacre de Napoléon!) Je suis passée à l’ordinateur pour mon mémoire de lettres moderne, en 1987 je crois. Je dois donc me rendre à l’évidence : je dois être une dinosaure quand je vous vois vous extasier sur cet objet si cher, mais aussi usuel pour moi que ma cafetière….en 1984. Bon c’est sûr, aujourd’hui je travaille avec des graphistes, des gens qui se prennent pour des artistes ou des génies parce qu’ils savent utiliser Indesign, Photoshop et le reste de la suite Adobe … en gros …des logiciels quoi ! Donc je comprends que le côté magique et lent de la « mécanique » vous mette en état de transe.
Signé : Une dinosaure née en 1964, qui travaille dans l’édition (Voir Wikipédia : 1964 = avant l’ère glaciaire )
Bonjour,
Je tombe au hasard sur votre article, et constatant que vous vous trouvez dans une situation similaire à la mienne, je vous propose de partager le contact d’un monsieur passionné par les machines à écrire, et en mesure de les réparer. Son site est le suivant : http://vintage-typewriter.voila.net/
Par ailleurs, je ne suis pas certain que ces informations vous soient encore d’une quelconque utilité près d’un an et demi après la création de l’article, cependant, si jamais cela vous est utile j’en serai ravi.
Bien cordialement,
Un gamin de 25 ans (comme quoi, pas besoin d’avoir connu l’ère glaciaire pour savoir apprécier la beauté de l’ancien 😉 )
Ps : il vend également des rubans encreurs, et pourrait donc bien rendre votre machine de nouveau utilisable intégralement.
Magnifique, merci.
Je cherche la même en marron, sur laquelle j’ai écrit les plus beaux poèmes de monde, et disparue depuis, hélas.
Pour les rubans, on peut tenter : André Loir
Il a ce qu’il faut en général pour les vieilles machines.
andre.loir@gmail.com