wir schreiben alles klein, denn wir sparen damit zeit.*
Herbert Bayer, 1900-1985
J’ai visité le bauhaus-archiv museum für gestaltung (tout en minuscule). Faites-le si vous passez à Berlin, c’est un tout petit peu excentré mais ça sera l’occasion d’une bonne balade. Prenez les audio-guides qui sont gratuits, et faites-vous plaisir.
*on écrit tout en bas de casse, on gagne ainsi du temps.
Vendredi 09 décembre dernier, Motomichi Nakamura et Amandine Urruty sont venus présenter leurs processus de création et leur portfolio à une vingtaine de personnes rassemblées dans la grande salle de la Gaité Lyrique. L’intérêt de rencontrer Nakamura (mots clés : yéti + japonais) était assez évident, en revanche je n’avais jamais entendu parler d’Amandine Urruty (mots clés : saucisse + tatouages moches + petit chien mignon) avant de lire son nom dans l’article qu’étapes a consacré à Pictoplasma. En un mot : conquise.
L'agenda novembre/décembre 2011 de la Gaîté Lyrique se déplie en un poster de monstres pictoplasmiques made in Nakamura
Nakamura est l’auteur des affiches du festival, les monstres rouges et noirs. Rouges et noirs exclusivement. Pour traduire un rapport essentiel, selon lui : the simpler, the better/stronger. S’il a utilisé du jaune et des nuances de gris à une époque, aujourd’hui il n’utilise plus que du rouge, du noir et du blanc, des couleurs qui parlent d’elles-mêmes (Captain Obvious : quelles sont les couleurs de Coca-Cola ? Quelles sont les couleurs du Japon ?). Le rouge attire toujours l’œil et chez Nakamura, il semble vous rentrer dans l’œil, et d’ailleurs les yeux des monstres sont rouges.
Ces monstres sont une version condensée de toutes nos peurs, une interprétation que l’on retrouve chez les Indiens d’Amérique (Nakamura vit en Équateur). En combinant tous ces éléments – monstres, couleurs, mais aussi flashs lumineux qui génèrent une réaction, voire une gêne physique (flashs utilisés lors de performances VJ ou mapping) – Nakamura veut faire passer le message de manière univoque : préparez-vous à affronter quelque chose. Ses monstres s’inscrivent d’autant plus dans ce rapport de confrontation qu’ils montrent très souvent les dents. « Montrer les dents, c’est envoyer un message de peur ou d’agression ». De toutes façons depuis Jeanne Mas on le sait tous : le rouge, le noir, les peurs, les montagnes de douleurs.
Lors de la conférence, j’ai trouvé le courage de lui poser une question (la fille pédante qui a essayé de se la péter en plaçant un petit « Konbanwa » et qui a expliqué à Peter Thaler ce que ça signifiait, c’était moi!) concernant l’attitude de ses monstres qui montrent les dents : sont-ils là pour nous attaquer ou ont-ils peur de nous ? L’essentiel est que la peur soit de tous les côtés.
C’était cool que Nakamura nous explique toutes ses référence, bien cool elles aussi : Takeshi Kitano, les tatouages de prisons russes, Snoop Dog, Otto von Schirach (en VJ pour ses shows).
« Pourquoi je porte un masque ? Et bien parce que je suis le sidekick d’Otto : s’il est Batman, alors je suis Robin. »
En parallèle du graphisme et des performances vidéos, Nakamura a aussi lancé son tatoo project, envisagé comme un lien d’engagement entre un « collectionneur » ou tout du moins un passionné, et l’artiste qui prend forme d’un tatouage unique… Avec tout ce que le tatouage implique de sens : rituel, peine, force…
Quittons cet univers graphique tranchant pour entrer dans le monde des bisounours en overdose de choucroute : le monde d’Amandine Urruty.
Ses dessins (au feutre et au crayon de couleur) sont d’une simplicité thématique extrême (ils résultent de la combinaison de thèmes récurrents, tels que l’amour, les saucisses et les arcs-en-ciel), mais les œuvres produites sont au final complexes, fourmillantes de détails sordides et comiques, avec une grosse tendance à la répétition.
= cool
Ayant pratiqué le dessin académique pendant sa formation universitaire, elle a été marqué par le travail de copie et de reproduction. Quand on s’attarde sur le décor de ses dessins, on s’aperçoit qu’ils sont en fait des scènes pullulantes de détails tous plus troublants les uns que les autres, et le tableau en entier se met alors au service du détail.
Les animaux tiennent bien entendu une place prépondérante : ils sont anthropomorphiques, portent des masques, il leur manque des membres (le nez, les mains), ou bien alors ils en ont en trop, s’affichent dans des postures à la fois sexy et potaches (elle cite Edika parmi ses premières influences, et ça saute aux yeux). Les héros des dessins d’Amandine sont tous des monstres doux-dingues. Elle explique d’ailleurs que les monstres composites la fascinent (ceux de Jérôme Bosch par exemple) et sont pour elle un sujet inépuisable.
Parmi les trucs que je trouve les plus cool, j’aime tout particulièrement les visuels pour Le Nouveau Casino datant d’avril 2008 réalisé avec le collectif Studiobüro.
Complètement inscrits dans la démarche Pictoplasma, les travaux de Nakamura et d’Amandine ont été sollicité pour réaliser des cartes du jeu de tarot Pictoplasma, aux côtés de celui d’autres artistes, plus ou moins tous représentés lors de cette édition 2011 du festival.
Quelques cartes tirées du jeu de tarot Pictoplasma
Pour terminer cette journée, une quinzaine de courts métrages d’animation ont été projetés dans la grande salle : on n’était plus que 2 pèlerins dans le noir.
The External World de David O’Reilly (c’est la plus longue de toutes, 17 minutes) m’a beaucoup impressionnée et m’a laissé un sentiment d’incompréhension et de satisfaction, une espèce de plaisir à ne rien comprendre (j’ai enfin vu Rubber hier, c’est peut-être pour ça que je comprends seulement aujourd’hui tout le sens du no reason).
Quelques uns des nombreux personnages de The External World
Voila, comme ça vous savez tout sur cette journée du festival Pictoplasma. Le festival poursuit sa route en 2012, notamment du 11 au 15 avril à Berlin.