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Komm mit nach Deutschland*

3 Nov

Liebe Leserin, liebe Leser**,

Si toi et moi on se connaît déjà un peu, je t’ai sûrement déjà bassiné avec ce lieu cher à mon cœur : la Maison Heinrich Heine, située dans la Cité internationale universitaire de Paris. Alors, je te rassure tout de suite cher lecteur, malgré le fait que son logo semble te faire un gros doigt d’honneur, la MHH aime tout le monde et t’accueillera même si tu ne parles pas allemand.

Willkommen!

Herzlich Willkommen!

(N.B. : le logo représente l’architecture du bâtiment, on l’aura tous compris et souligné.)

Déjà, sache que la Cité U, c’est un parc trop cool. Loin de la pose des Buttes-Chaum’, loin des gamins de Montsouris (bah non pas si loin, puisque c’est en face en fait), loin de la poussière et des touristes des Tuileries, on peut toujours y pique-niquer pépouze l’été, y jouer au meilleur jeu de plein air du monde, y rencontrer les sympathiques membres de Polyglott (leurs pique-nique estivaux s’y déroulent), y courir sans aucun danger (et avec de l’éclairage) même jusque très tard l’hiver. En plus, c’est quand même pas mal choupi, architecturalement parlant.

Mais commençons par les bases.

La MHH, c’est la fondation de l’Allemagne.

das-haus-la-maison

La MHH, c’est la Maison Heinrich Heine très exactement.

Heinrich "Beau gosse" Heine

« POSEŸ »

Heinrich est né Harry et mort Henri (à Paris d’ailleurs), et c’est l’un des plus grands écrivains allemands. Vers 1830, il fut le correspondant du Allgemeine Zeitung (littéralement Le journal général) à Paris, le quotidien en langue allemande le plus lu du moment. Mais si vous demandez à un germaniste ce que lui évoque Heinrich Heine, la réponse sera quasiment toujours :

perdu !

perdu !

loreley

« T’es sûre que c’est pas le type du ketchup Heinz ? »

La Lorelei ! (En gros c’est une sirène. Mais allemande.)

Die Loreley est un poème d’Heine paru en 1824 et c’est d’ailleurs probablement son texte le plus connu. C’est en classe de 5me que mes camarades et moi apprîmes par chœur ce poème, dont je suis toujours à l’heure où je vous écris, capable de réciter les 2 premières strophes sans me tromper.

Original VS Essai de traduction littéraire (Pierre Le Pan)

Original VS essai de traduction littéraire (Pierre Le Pan)

La Lorelei est pratiquement un symbole national. C’est en fait une nymphe des eaux (une nixe précisément. En français on appellerait ça une ondine), généralement une jolie demoiselle à la longue chevelure blonde et à queue de poisson (borrrrring). Les nixes attirent les gens dans l’eau. Et les noient. Ou alors les attirent par leur chant afin de les troubler jusqu’à ce que perdition s’en suive. Les pourritures.

Ce nom a été donné à un rocher surplombant le Rhin vers Francfort, un endroit réputé pour la puissance de son courant. C’est là qu’on a érigé la statue de Lorelei ci-dessus.

On recense une très grande variété de graphies possibles : Lore-ley, Loreleï, Lorely, Laure Lay…

Le motif de la Lorelei est un classique qui a franchi la frontière allemande et conquis jusqu’en France (Apollinaire, de Nerval ou même Thiéfaine). Musicalement, on a le choix dans le bon comme dans le mauvais goût :

✖    Charles Trenet – Loreleï
✖    Véronique Sanson – Lorelei (De l’autre côté de mon rêve)
✖    Hubert-Félix Thiéfaine – Lorelei Sebasto Cha (Soleil cherche futur)
✖    Nina Hagen – Lorelei (Angstlos)
✖    Cocteau Twins – Lorelei (Treasure)
✖    Jacques Higelin – Laura Lorelei (Aï)
✖    The Pogues – Lorelei (Peace and Love)
✖    Mercury Rev  – Black Forest (Lorelei) (The Secret Migration)
✖    Scorpions – Lorelei (Sting in the Tail)

✖ j’ai utilisé des petites croix car je n’ai pas trouvé de petits picto en forme de bretzel

Mais s’il ne fallait en retenir qu’une seule :

Ça t’en fait, ami lecteur, un tas d’infos pour briller dans les dîners choucroute de la brasserie Maître Kanter !

Le vendredi 4 octobre dernier, la MHH a organisé un événement auquel je n’osais pas même rêver : un ciné-concert Das Kabinett des Dr. Caligari (Robert Wiene – 1919 – muet – intertitres en français), film clé de l’expressionisme allemand, et chef d’œuvre des chefs d’œuvres cinématographiques dans mon petit cœur.

Tremble, lecteur !

tremble, lecteur !

(Anecdote : je me souviens que, lorsque j’ai fait l’acquisition de ce dvd à 0,90€ sur le site orange et violet, l’annonce disait en gros « je le vends pas cher car j’imagine que ça doit sûrement intéresser quelqu’un sur cette planète, même si je ne vois pas qui ».)

L’accompagnement était assuré par la pianiste espagnole Hada Benedito Mateo. Une espagnole ? Pour un film allemand ? À la MHH ? Whaaaaaaaaaaat ? Pas de panique : Hada réside à Berlin. La boucle est bouclée.

Après les 10 premières minutes, des suites d’un léger problème technique sûrement du à un souci de branchement mais-on-n-a-pas-le-temps-de-tout-débrancher-rebrancher, le film a été rejoué depuis le début car la pianiste (qui improvise) ne pouvait plus voir le film correctement. Que l’assistance se rassure : tout s’est bien déroulé après ça. Et cette soirée valait bien son pesant de cacahuètes ( 7€ à plein tarif) puisque la MHH avait organisé une petite collation avec des chips aux crevettes et du crémant juste après (quel goût, quelle finesse).

La semaine suivante, la MHH organisait la projection du Tambour, l’adaptation cinématographique (primée à Cannes en 1979) du roman de Günter Grass par Volker Schöndorff, et c’est ici la preuve irréfutable que ces gens ont bon goût et qu’il faut y aller. Si vous avez peur de vous y aventurer seul, je me ferai l’honneur d’être votre führerin (oui, c’est comme ça qu’on dit guide au féminin en allemand).

Notons aussi (pour le fun) que la MHH abrite une bibliothèque dont 90% des ouvrages sont en langue allemande. Elle est libre d’accès pour les résidents et (je cite) « toute personne ayant de bonnes connaissances d’allemand » : il était enfin temps qu’une institution fasse clairement la distinction entre nous autres, êtres supérieurs germanophones, et le commun des mortels.

bibliothek-maison-heine

ENFIN, si près tout ça, vous n’êtes toujours pas convaincus de la légitimité d’y mettre les pieds au moins une fois dans votre vie, sachez que c’est une maison libre d’accès et qu’il y a des cabinets (sans mauvais jeu de mot) propres et fonctionnels en descendant les escaliers.

On m’a récemment fait découvrir cette composition électronique à caractère musical que j’utiliserai pour illustrer le propos à la manière de Captain Obvious :

Küsse.

* Je dédie ce titre à tous ceux qui ont découvert, appris et aimé la langue de Goethe grâce à ce manuel.

kommmitnachdeutschland

Ne seraient-ce pas Sabine et Dieter sur ce crayon volant ?

** Chère lectrice, cher lecteur, le sais-tu ? En allemand, il est plutôt bien vu de toujours faire mention du féminin, qui se place avant le masculin.

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